dimanche 6 juin 2010

Chacun a droit à son histoire

par Annie Laforest



Internet bouleverse l’univers des communications et remet en question les pratiques des médias traditionnels. Je dirais même que depuis la venue du Web 2.0, la profession journalistique doit être vue comme une profession en transition ou en mutation. Tout citoyen peut devenir journaliste et par le pullulement des nouveaux médias, peut trouver un auditoire réceptif à son message.

Je ne cherche pas l’événement qui me fournirait l’occasion de sortir mon cellulaire et de capturer « LA » photo ou « LES » images qui pourraient faire le tour de la Terre, mais je suis heureuse que d’autres le fassent librement.

Aujourd’hui, tout le monde peut s’exprimer ou reporter la nouvelle sans égard à son statut, à son style d’écriture, souvent sans respecter les principes de factualité ou d’objectivité. Mais au-delà de ces accrocs aux conventions, cette presse libre nous offre un autre regard sur le monde. Un regard libre et nécessaire!

«Si entre 1830 et la fin du XIXe siècle, une conception non partisane et strictement factuelle de l’information a progressivement gagné en légitimité, le “reportage objectif” n’est pas pour autant devenu la norme dominante du journalisme aux États-Unis. Schudson montre bien qu’au début du XXe siècle, contrairement à beaucoup d’idées reçues, le principe de la narration — le fait de “raconter une belle histoire” — était supérieur à celui de la factualité — “donner les faits” et seulement les faits. Ainsi, désireux de “raconter des histoires”, les journalistes se montraient moins enclins à restituer sommairement les faits qu’à les interpréter à leur manière en élaborant un style d’écriture personnel susceptible de plaire au plus grand nombre. » (Estienne, Yannick. 2007.)

Sur Internet, chacun peut « raconter son histoire », la réécrire, la filmer et la diffuser de la façon qu’il juge la plus adéquate. Chacun y va de son commentaire. Il est vrai que cette libéralisation de l’information peut donner lieu à certains débats sur la place publique, de par la façon dont le contenu est repris et diffusé, de par le respect des règles, usages et procédures à respecter.

Cet article que j’ai consulté dernièrement sur Cent Papiers, le journal citoyen du Québec pour la francophonie, en est un exemple. Le blogueur Allain Jules y publie un texte intitulé « Assaut d’Israël : conséquences et inconséquences » dans lequel il a repiqué des photos et une vidéo provenant de SkyNews, un média multiplateforme réputé. Ce contenu est réutilisé sur son blogue personnel (Jules, Allain. 2010) et la vidéo est re-publiée sur sa page YouTube (Jules, Allain. 2010), sans autorisation apparente ni lien quelconque vers la source. Il y a certes lieu de se questionner sur la forme, mais selon moi, ce genre d’information doit se démultiplier.

Ce genre de démarche m’amène cependant à me demander si le journalisme tel qu’on le connaît aura toujours sa place dans le fait divers et dans la couverture de l’actualité. Et si les médias tels qu’on les connaissait avant le Web 2.0 peuvent continuer à occuper la même place qu’ils occupaient auparavant.

Interrogé le 2 juin 2010 lors de la conférence All Things Digital, en Californie, Steve Jobs a affirmé d’entrée de jeu que les médias jouent un rôle important pour la société. « Une de mes croyances est que toute démocratie dépend d’une presse en santé, a dit Steve Jobs. Je ne veux pas que nous devenions un pays de blogueurs. Nous avons besoin du contenu éditorial plus que jamais. » (Munger, Michel. 2010)

Quoi qu’il en soit, tous ces changements peuvent apporter une valeur ajoutée à l’univers des communications et à la profession journalistique. Le journalisme citoyen se base sur l’information de proximité en se concentrant sur des faits ignorés par les médias existants ou délaissés par les institutions locales. (Élien, Rachelle. Délice, Frantz. 2008) À mon avis, toute source d’information est valable lorsqu’elle suscite le dialogue et inspire la réflexion.

--Bibliographie

Élien, Rachelle; Délice, Frantz. 2008. Vers un journalisme citoyen en Haïti. Media Development. Vol.55 Issue 2, p.21-26.

Estienne, Yannick. 2007. « Le travail de journaliste Web ». Le journalisme après Internet. Paris: L'Harmattan. Coll. Communication et Civilisation, pp. 167-185.

Jules, Allain. 2010. «Assaut d’Israël: conséquences et inconséquences». 1 juin 2010. En ligne. URL : http://www.centpapiers.com/assaut-d%E2%80%99israel-consequences-et-inconsequences/14758/. Consulté le 04/06/2010.

Jules, Allain. 2010. MASSACRE ISRAÉLIEN. 31 mai 2010. En ligne . URL : http://www.youtube.com/user/allainjules. Consulté le 04/06/2010.

Munger, Michel. 2010. Steve Jobs défend les médias traditionnels. 03/06/2010. En ligne. URL : http://www.canoe.com/techno/nouvelles/archives/2010/06/20100603-091355.html. Consulté le 04/06/2010.

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